Qu’est ce que c’est ?
La substitution d’un risque ou d’un danger relève des neuf principes de préventions, article L.4121-2 du code du travail, et est un axe prioritaire de la prévention des risques chimiques. Concrètement, dans le cadre du risque chimique, et concernant les agents chimiques classés CMR, il s’agit de remplacer le produit, mélange ou procédé incriminé par un produit, mélange ou procédé qui ne serai pas dangereux ou qui présenterai moins de risque.
La démarche est complexe à plusieurs titres. Cette substitution doit être réfléchie, il faut tenir compte de l’objectif, le choix du nouveau produit, mélange ou procédé doit tenir compte d’une suppression ou d’une réduction du risque. Par ailleurs, il est important de faire une analyse technique de cette substitution pour qu’elle n’affecte pas les conditions de réalisation.
Enfin, cette substitution n’est pas une option, il s’agit d’une obligation pour l’employeur. Cependant, en cas d’impossibilité pour des raisons techniques, ce dernier pourra justifier la non-substitution d’un produit chimique classé CMR.
Dans tous les cas, il faudra mener une analyse approfondie et la conserver en enregistrement pour démontrer que la substitution a bien été recherchée, mais qu’aucun produit de remplacement ne peut permettre d’obtenir un résultat similaire au niveau des données de sortie de la production.
Précision que l’obligation de substitution ne concerne que les agents chimiques CMR avérés. Il s’agit donc des agents CMR des catégories 1A ou 1B au sens du règlement CLP, correspondant aux catégories 1 et 2 de l’ancienne classification, et les substances, mélanges ou procédés définis conjointement comme CMR par les ministères du travail et de l’agriculture, et répertoriés dans l’arrêté du 5 janvier 1993.
Concernant les autres agents chimiques dangereux, dans lesquels nous retrouvons les agents chimiques CMR suspectés, la substitution devient un axe prioritaire de prévention. Cela signifie qu’elle n’est pas une obligation légale, cependant, elle doit systématiquement être recherchée. En cas d’impossibilité pour des raisons techniques d’autres mesures de prévention devront être mises en place. On retombe dans l’application des articles L.4121-1 et suivant du code du travail. L’obligation qui incombe à l’employeur est d’assurer la santé physique et mentale de ses travailleurs.
Rappelons que les agents chimiques CMR suspectés correspondent à la catégorie 2 du règlement CLP et la catégorie 3 de l’ancienne classification.
Comment le faire ?
Dire que la substitution des agents CMR est une obligation ou un axe prioritaire de prévention selon leur classification n’est pas satisfaisant. Dans la pratique, pour mettre en place une démarche de substitution réussie, il faut se soumettre à une certaine méthodologie.
La substitution de produits, mélanges ou procédés dans une entreprise demande une organisation et un pilotage. Il peut donc être utile de monter un projet autour de cette démarche.
Il faut aborder cette substitution comme une résolution de problème complexe. De nombreux outils méthodologiques existent pour accompagner le projet et assurer sa réussite. Le DMAIC est une méthode efficace et exigeante pour mener de tels projets.
Avec un DMAIC, les phases de projet sont clairement définies :
- D – Définir : Il faut commencer par identifier la problématique.
Dans le cadre d’une substitution d’agents CMR, il faut tenir compte de deux variables dans la définition :
- Quels produits, mélanges ou procédés sont concernés dans l’entreprise ?
Cette première phase permet d’identifier le problème, c’est à dire le ou les agents concernés. Comme nous l’avons exposé plus haut, l’obligation de substitution concerne les CMR avérés, pour les CMR suspectés il s’agit d’un axe prioritaire de prévention. Dans un premier temps, il est préférable de commencer la démarche par les CMR de catégorie 1A et 1B au sens du règlement CLP.
- Quelle est la nécessité de « ce » produit, mélange ou procédé du point de vue de la technique ?
Cette seconde interrogation est primordiale dans la phase définir pour substituer des agents CMR. La technique peut imposer d’utiliser un produit plutôt qu’un autre. N’oublions pas que l’obligation de substitution souffre de l’exception d’impossibilité technique.
Il faut donc définir quels sont les particularités techniques du (des) produit(s), mélange(s), procédé(s) pour s’assurer de rechercher un (des) produit(s), mélange(s), procédé(s) de substitution qui permettra (ont) d’obtenir le résultat attendu en terme de réalisation technique
- M – Mesure : la mesure permet de quantifier l’analyse. Cette phase est tout à fait appropriée à la substitution de produits chimiques classés CMR.
L’analyse de risque est une donnée d’entrée primordiale. Si elle n’est pas déjà réalisée, il faut commencer par là. Cette analyse donnera à l’équipe projet une valeur 0 pour mener à bien la recherche d’axe d’amélioration.
Les données techniques doivent également être mesurées pour constituer une donnée d’entrée de l’analyse.
- A – Analyse :
Dans le cadre d’une démarche de substitution d’agents CMR, cette phase consistera à déterminer pourquoi tel produit est utilisé pour déterminer s’il est vraiment indispensable. A partir de ces réponses, il sera possible d’envisager des solutions de remplacement. En effet, elles arbitreront entre supprimer le risque ou rendre le procédé moins dangereux par exemple.
- I – Innover : à ce terme, préférons celui d’améliorer.
L’analyse réalisée, l’équipe projet connaitra exactement ce qui peut être modifié, partiellement modifié ou absolument pas modifiable dans le process de fabrication. Dès lors, il sera possible d’explorer des pistes d’amélioration quant aux agents chimiques CMR à substituer.
L’équipe projet ne doit pas hésiter à faire appel à des experts comme des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels, le responsable hygiène, sécurité et environnement, la CRAM, la CARSAT…
- C – Contrôler :
La mise en place des solutions retenues en phase d’amélioration nécessite un contrôle rigoureux. L’objectif de la substitution, à savoir éviter le risque en supprimant ce qui est dangereux par ce qui l’est moins ou en réduisant le risque, est-il atteint ? En partant de l’analyse de risque initiale, réalisée avec l’agent CMR remplacé, le risque résiduel est-il moindre ? Cette substitution a-t-elle créé de nouveaux risques ? Lesquels ? Sont-ils acceptables au sens de l’objectif recherché (suppression du risque CMR sinon réduction) ? La substitution affecte-t-elle la réalisation technique ?
In fine, il est intéressant de réaliser une analyse économique de la substitution. Au-delà du respect de l’exigence légale, quel est le gain financier pour l’entreprise ? Réduire ou supprimer le risque CMR peut être rentable si l’on tient compte de l’ensemble des équipements de protection collective et individuelle que ce risque implique. Par ailleurs, si vous parvenez à substituer en supprimant totalement l’utilisation d’agents CMR, la gestion des déchets sera également moins coûteuse.
Vous l’aurez compris, la substitution n’est pas simple. Pas de réponses toutes faites ni de solutions miracles. Chaque produit, mélange ou procédé CMR substitué doit faire l’objet d’une analyse fine.
Obligation légale, la substitution peut également constituer un avantage financier et un gain en image de marque, ne la négligeons pas.